Hexagone Gay





les Années 40

LA DEPORTATION POUR MOTIF D'HOMOSEXUALITE





:: ARRESTATIONS ET DEPORTATIONS.
NomenclatureEn 1940, le premier élément à prendre en compte est que, contrairement à une idée largement répandue, la France n'a pas été coupée en deux zones, une zone d'occupation et une zone libre, mais en trois zones puisqu'une partie du territoire (Le Haut-Rhin, le Bas-Rhin la Moselle) a été purement et simplement annexée au Reich allemand et n'était plus la France dans l'esprit des nazis.
Si le sort des homosexuels a été relativement de même nature en zone occupée et en zone libre (qui sera d'ailleurs occupée en novembre 42), celui des homosexuels de la zone annexée sera le même que celui des allemands. En Alsace Moselle, les homosexuels dont le nom figurait sur les listes d'avant guerre, probablement transmises par la police française, seront arrêtés. Les premiers seront expulsés vers la France de l'intérieur puis, les suivants, déportés en camps de concentration.
Dans ces départements, c'est la loi allemande qui est appliquée et en particulier le §175 qui condamne les relations homosexuelles. Dans le reste de la France, dite « occupée », le §175 allemand n'est pas applicable mais Vichy créera l'article 334.


:: En Europe.
On estime entre 90 000 et 100 000 le nombre d'homosexuels arrêtés et provenant d'Allemagne ou des pays et des régions annexées. 60 000 seront emprisonnés, 10 à 15 000 seront déportés et les 2/3 y périront. Si les juifs portaient l'étoile jaune cousue sur leur vêtement, on affuble les homosexuels prisonniers d'un triangle rose, pointe en bas.  Beaucoup d'homosexuels, surtout dans l'armée, seront simplement abattus sans procès et sur simple décision policière ou militaire. Concernant les lesbiennes, le §175  ne condamne pas leurs relations. En revanche, des lesbiennes sont arrêtées en tant que personnes asociales (triangle noire) quand leur mode de vie ne s'insère pas dans le schéma traditionnel de la famille.
Le sort des homosexuels dans les camps de concentration sera l'un des plus dur parmi tous les déportés. Ils seront considérés comme des « sous-hommes » par les nazis mais aussi très souvent par les autres déportés. Il seront envoyés aux travaux les plus durs et feront souvent l'objet d'expérimentations médicales inhumaines (injonctions massives d'hormones, castrations, etc...). Très peu reviendront des camps.

:: En zone libre et en zone occupée.
Triangles RosesDans la zone libre et dans la zone occupée, ce qui est considéré comme un crime contre la race par les nazis pour un citoyen allemand, qui ne peut être qu'hétérosexuel, fait l'objet d'une vague complaisance pour un non aryen, par nature dégénéré. L'idée est que les homosexuels ne feront que précipiter plus vite le déclin des races non aryennes. En dehors de l'Alsace et de la Lorraine, les homosexuels français ne seront donc pas inquiétés directement par les occupants nazis, à de rares exceptions près, d'autant plus que le § 175 n'est pas applicable.
En revanche, si le motif d'homosexualité n'est pas retenu officiellement contre eux, beaucoup seront arrêtés simplement comme des prisonniers de droit commun, des délinquants, notamment lorsqu'ils auront des relations avec des militaires allemands.

Par ailleurs, le gouvernement de Vichy s'est singularisé par la publication d'une loi homophobe. Le 6 août 1942, un article de loi du Code Pénal, l'article 334, punit de 6 mois à 3 ans prison et de 200 à 60 000 francs les "actes impudiques contre nature" entre personnes du même sexe de moins de 21 ans. Cet article introduit une discrimination entre homosexuels et hétérosexuels. Pour la première fois depuis la révolution française, il est fait état "d'actes contre-nature", terme hérité de l'intolérance religieuse de la royauté. La majorité sexuelle est ramenée de 13 ans à 15 ans pour les hétérosexuels et de 13 ans à 21 ans pour les homosexuels. L'homosexuel qui a une relation sexuelle avec une personne de moins de 21 ans est donc considéré comme un pédophile et peut donc faire de la prison à ce titre, y compris lorsque les deux protagonistes ont moins de 21 ans. A cette époque personne ne s'offusquait qu'on puisse enrôler des enfants de 14 ans dans des organisations para-militaires pour leur apprendre à tuer, mais on refusait à de jeunes adultes de vivre  leur sexualité en prétextant qu'on est encore un enfant à 20 ans. Cette aberration sera probablement une des raisons des amalgames futurs entre homosexualité et pédophilie. Contrairement au §175 allemand, l'article 334 dans sa rédaction, ne spécifie pas de différence entre les actes entre hommes et les actes entre femmes, ce qui signifie que les lesbiennes peuvent être concernées par cette loi. Cet article, contrairement aux lois raciales, ne sera pas aboli à la Libération. Il changera simplement de nom en devenant l'article 331, mais il ne perdra pas sa vigueur. Il faudra attendre 1982 pour voir son abolition. En Allemagne, le §175 sera adouci par le parlement est-allemand en 1968, par le parlement ouest-allemand en 1969 et il ne sera totalement aboli qu'après la réunification le 11 juin 1994. En 1988, l'Allemagne reconnait pour la première fois un déporté pour motif d'homosexualité. Une loi de réhabilitation des déportés pour homosexualité ne fut votée par le parlement allemand que le 7 décembre 2000. En France, il faudra attendre 2001 pour qu'un Premier Ministre (Lionel Jospin) évoque officiellement la déportation des homosexuels. Depuis les années 70, les associations homosexuelles tentent de participer aux cérémonies du souvenir de la déportation. Mais leurs couronnes de fleurs sont parfois piétinées par des membres d'associations de déportés (25 avril 1976 à Paris, 28 avril 1985 à Besançon). L'accès leur sera interdit par les forces de l'ordre. Ce n'est qu'à partir de 2001 que leur présence ne sera tolérée par les autorités, mais en marge des cérémonies car leur présence durant la cérémonie est toujours jugée déplacée par les autres organisations qui revendiquent le monopole du malheur et de la souffrance.

:: En zone annexée (Alsace et Moselle)
Ce n'est qu'en novembre 2001 que la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (http://www.fmd.asso.fr) qui, après 4 années de recherches historiques dans les archives, a publié un rapport sur le sujet de la déportation des homosexuels en Alsace Lorraine.
Ce rapport a été commandé par le Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre pour faire la lumière sur les revendications exprimées par les associations LGBT et le rejet de ces revendications par la majorité des associations d'anciens déportés. Il confirme que la déportation pour motif officiel d'homosexualité n'a pas existé en France  occupée, mais qu'elle a bien concerné la France annexée. Ce rapport fait état de 210 personnes déportées de France pour homosexualité dont 206 depuis les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Seuls 4 personnes semblent donc avoir été déportées pour homosexualité depuis la France occupée.
En 2007, la FMD a poursuivi ses recherches, notamment en identifiant avec exactitude les personnes déportées et les motifs de leur déportation. Ces nouvelles recherches vont apporter un éclairage nouveau et encore différent. En effet, le camp de concentration de Natzweiler (Struthof) en Alsace comptait une section de « triangles roses », donc de déportés au titre du paragraphe 175. Dans un premier temps, 192 hommes ont été identifiés comme déportés à Natzweiler et provenant des territoires annexés d'Alsace et de Moselle. Après étude, il s'avère que 178 de ces hommes étaient des homosexuels allemands.
Voici le détail des nationalités des 215 homosexuels enfermés au Struthof :
- 199 homosexuels dont la nationalité est connue.
- 178 allemands,
- 14 français (dont 13 alsaciens lorrains)
- 8 européens (4 polonais, 1 autrichien, 1 norvégien, 1 russe, 1 tchèque)
-16 homosexuels dont la nationalité est inconnue.
Certains de ces homosexuels ont été ensuite transférés dans d'autre camps comme Dachau ou Buchenwald. Sur ces 215 homosexuels, seuls 45 seront survivants en 1945.
Concernant les homosexuels français recensés au Struthof , 10 sont alsaciens, 3 sont mosellans et 1 est originaire de la France occupée.
Mais le sort des homosexuels français déportés par les allemands ne se limite pas au camp du Struthof. D'autres parcours plus complexes ont été recensés.
D'autres homosexuels alsaciens et lorrains n'ont pas été déportés en camp de concentration mais emprisonnés à Metz, Mulhouse ou en Allemagne.
Il semblerait que les homosexuels alsaciens lorrains aient été majoritairement expulsés en « France de l'intérieur » en 1940 au moment de l'arrivée des allemands. Rien qu'à Mulhouse, 95 homosexuels ont été expulsés le 27 juin 1940. Par la suite, les archives recenseront 22 Alsaciens et Mosellans arrêtés au titre du §175. Parmi eux se trouvent les détenus du Struthof. Il y aura 15 survivants recensés, 6 décédés en détention et 1 disparu.

Walter Timm Walter Timm
Dessin de Walter Timm, 1945, condamné au titre du § 175 et déporté au camp de Sachsenhausen de 1943 à 1945

:: Les autres français arrêtés pour motif d'homosexualité.
En dehors des français arrêtés en France pour motif d'homosexualité, il ne faut pas oublier non plus les français arrêtés en dehors du territoire pour le même motif. Avec le STO (Service du Travail Obligatoire) beaucoup de français de toutes régions ont été envoyés de force en Allemagne pour travailler dans les usines. Parmi eux, certains furent arrêtés en raison de leur homosexualité. Le premier rapport de la FMD de 2001 en avait recensé 4. En 2007, l'analyse de quelques archives judiciaires du Reich récupérées par les forces française d'occupation en 1945 et conservées à Caen fait état de 32 homosexuels français arrêtés pour ce motif en Allemagne. Malheureusement ces archives sont plus que partielles car la majorité des archives du Reich ont disparu ou ont été éparpillées à travers le monde. Ces 32 français sont, soit des enrôlés du STO, soit des prisonnier de guerre ou des travailleurs volontaires. Ils ne seront pas tous envoyés en camps de concentration mais incarcérés dans des prisons allemandes, pour la plupart jusqu'en 1945. L'avenir devrait probablement rallonger cette liste très partielle sans toutefois atteindre un jour l'exhaustivité.
En 2010, les études, encore inachevées, recensent donc avec certitude 62 français déportés en raison de leur homosexualité.
- 32 français arrêtés en Allemagne (30 internés dans des prisons allemandes, 2 au camp du Struthof)
- 22 alsaciens et mosellans et 1 français de l'intérieur en Alsace Moselle (18 dans les camps du Struthof et de Schirmeck, 4 dans des prisons allemandes)
- auxquels il faut aussi rajouter 7 français recensés récemment qui ont été arrêtés  en raison de leur homosexualité depuis la France occupée, et qui constituent une exception, probablement non définitive. 6 ont été déportés à Buchenwald et Neuengamme et 1 incarcéré dans une prison en Allemagne.
Ces chiffres, bien que non définitifs, sont inférieurs aux évaluations évoquées par les associations et médias  LGBT mais ils démentent de manière catégorique les affirmations des associations de déportés qui ont réussi à entretenir durant plus de 60 ans l'idée que la déportation d'homosexuels français était une invention.

Pourquoi a-t-il fallu attendre 60 ans pour que la persécution des homosexuels par les nazis soit reconnue alors que celle des juifs est devenue incontestable dès la libération des camps de concentration ? Pourquoi les homosexuels rescapés des camps de la mort sont-ils restés muets sur les raisons de leur déportation à la Libération ? Il faudra des années pour que des homosexuels allemands ou autrichiens évoquent leur arrestation pour ce motif et un seul français, l'Alsacien Pierre Seel, témoignera de son histoire en... 1982. Pourquoi les historiens n'ont-ils pas jugé utile de rétablir les faits par rapport à une vérité fabriquée par la morale religieuse et une classe politique complice de ce silence et de ces contre vérités pour ne pas employer le mot "révisionnisme" ? La principale réponse à ces questions est que les hommes politiques issus de la Libération, sous la pression du lobby familial, vont privilégier la promotion de la famille et de la natalité, valeurs récupérées de l'idéologie pétainiste. Les lois homophobes ne seront donc pas abolies et les personnes qui déclareront leur déportation pour homosexualité prendront un risque d'être inquiétées comme délinquants et de toute façon n'obtiendront aucun droit à réparation. Le contexte social et moral de l'époque empêche, en outre, toute révélation de son homosexualité.  Le sort des homosexuels durant la guerre a laissé dans l'indifférence totale les citoyens européens de la seconde moitié du 20e siècle et seuls quelques livres ou quelques militants ont abordé le sujet sans être entendus. Enfin, les déportés homosexuels alsaciens et lorrains, une fois la réalité de leur persécution prouvée, seront considérés comme des allemands par certaines organisations de déportés, persistant à considérer qu'aucun homosexuel français n'a été déporté pour ce motif et qu'un seul l'aurait revendiqué (lettre de l'UNADIF du 15 avril 1994 au Mémorial de la Déportation Homosexuelle - MDH,  lettre de la FNDIRP à ses adhérents du 6 mai 1998). On peut donc légitimement se demander pourquoi la République Française continuerait d'organiser des cérémonies aux victimes françaises du nazisme en Alsace Moselle puisque ces régions étaient considérées comme allemandes par les nazis et semblent l'être aussi par les associations de déportés  ? Les associations homosexuelles ne souhaitent pas privilégier une catégorie de victimes contre une autre. Elles souhaitent simplement que la totalité des motifs de déportations soient citée sans oublier personne. Elles souhaitent simplement que "les oubliés de la mémoire" soient réhabilités et qu'à l'instar d'autres pays européens, un monument ou une plaque puisse leur rendre hommage et rappeler aux futures générations que leur liberté peut à tout moment être remise en cause si des criminels sont portés au pouvoir. Ces déportés, ceux qui sont morts et ceux qui ont souffert dans leur chair, qui ont continué à se cacher et à se taire après leur libération, qui n'ont jamais touché la moindre indemnité de réparation car considérés comme des criminels, ces déportés ne méritent ils pas au moins une réhabilitation posthume ?





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RESSOURCES EXTERIEURES
Les années 40
:: Sources : :: Sites internet :
- Didier Eribon, Dictionnaire des Cultures Gays et Lesbiennes, Larousse, 2003
- Collectif, Dictionnaire de l'Homophobie, Puf, 2003
-
Jean Le Bitoux, Les oubliés de la mémoire, éd. Hachette Littérature (05/2002)
- Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, éd. Calmann-Levy (1994)
- Hervé Joseph Lebrun, De Pierre et de Seel, Paris.
-
Lutz van Dijk, La déportation des homosexuels, onze témoignages 1933-1945, éd. H&O (2000)
-  Les triangles roses ou la mémoire interdite, Brochure éditée par l'association "Les Flamands Roses", Lille
-
Jean BOISSON, Le Triangle Rose, éd. Robert Laffont (1988)
-
Heinz Heger, Les hommes au triangle rose, journal d'un déporté homosexuel, éd. Personna (1981)
-
R. Plant, The pink Triangle, The nazi war against Homosexuals, New-York Henry Holt and Co
-
M. Pollack, L'expérience concentrationnaire, essai sur le maintien de l'identité sociale, Paris Métaillé, 1990
- Daniel Cordier, Alias Caracalla, Mémoires 1940-1943, Galimard, Paris, 2009
- Jacques Girard, Le Mouvement homosexuel en France, 1945-1981, Syros, 1981.
- Scott Gunther, The Elastic Closet:  A History of Homosexualitiy in France - Palgrave, Janvier 2009
- Mickaël Bertrand, La déportation pour motif d'homosexualité en France - Mémoire active, 2010
- Triangle Rose : article de wikipedia.
- Triangles roses, la persécution des homosexuels sous le régime nazi : Site français sur la déportation des homosexuels.
-Museo Virtuale delle Intolleranze et degli Stermini : site italien consacré entre autres à la déportation des communistes, des tsiganes, des homosexuels...
- Die Männer mit dem Rosa Winkel : site allemand sur les hommes au trriangle rose dans les camps de concentration.
- Devoir de mémoire : http://www.devoiretmemoire.org/
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation : http://www.bddm.org



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