Félix
Mayol est incontestablement la plus grande vedette masculine de la
chanson française du début de siècle. Toulonnais d'origine, c'est à
Marseille qu'il fait ses débuts dans le célèbre music-hall de
l'Alcazar.
Cette salle, dont le public est jugé impitoyable avec les artistes,
n'hésitant pas à jeter des tomates et à siffler les chanteurs dont le
métier est encore hésitant, va, dans un premier temps le conspuer... il
faut dire que les choses n'étaient pas gagnées d'avance, car
Mayol est efféminé à l'extrême. Rien dans ses attitudes, sa voix, sa
houpette de cheveux, ses costumes dont la veste est toujours ornée d'un
brin de muguet, rien n'évoque la virilité méditerranéenne. Mais Mayol
va persévérer sans jamais cacher son attitude efféminée. Le pouvait-il
d'ailleurs ? Il va arpenter les cafés concerts de la Canebière ou de
Toulon, puis être embauché au Casino de Toulon en 1892. Le
public va finir par prendre son attitude efféminée au second degré et
Mayol va passer pour un "chanteur comique" dont les gloussements,
pourtant tout-à-fait naturels et spontanés, vont passer pour des
caricatures de la folle et vont amuser ses fans autant chez les femmes
que chez les hommes. Mayol va comprendre que cette singularité est à la
base de son succès et il ne va pas hésiter à grossir encore le trait.
Il va minauder, se déhancher dans une démarche très féminine, accentuée
par une main toujours pendante... et chanter des chansons ambigües
d'une voix aiguë. Mais s'il cultive l'ambiguïté, sa survie est liée
justement à cette ambiguïté et jamais, à aucun moment, il ne parlera de
sa vie privée, jamais à aucun moment, il ne parlera de son
homosexualité. Jusqu'à sa mort, il conservera un silence total sur son
orientation sexuelle qui ne sera connue que d'un cercle restreint
d'artistes proches. Seul Maurice Chevalier dont la carrière a été
lancée par Mayol commettra un jour une indiscrétion sur le sujet.
Le
"cas Mayol" est très courant à cette époque. Les homosexuels efféminés,
ne pouvant pas cacher leur orientation, seront souvent tentés de forcer
le trait et de jouer au second degré ce qui est chez eux du premier
degré. En se moquant et en caricaturant les folles, s'il peut y avoir
de l'auto dérision, ils se conforment avant tout à l'homophobie
généralisée de l'époque et jurent leur grands dieux que s'ils en
jouent, "ils n'en sont pas". En fonction du talent de chacun, le rôle
sera plus ou moins crédible, mais la règle d'or est de ne jamais parler
d'homosexualité sur un ton sérieux ou grave. Le sujet ne peut être
qu'un sujet de dérision. Si une majorité de la population est
totalement dupe de la situation, certains ne le sont pas mais, dans la
même hypocrisie, feront semblant de ne pas avoir compris ou vont se
retrancher derrière le récurrent "sa vie ne nous intéresse pas" réservé
qu'aux seuls homosexuels. Cette société hypocrite aussi bien chez les
hétérosexuels que chez les homosexuels, va survivre jusque dans les
années 80. Après, les comportements survivront mais seront plus
partagés.
C'est
en 1895 que Mayol "monte" à Paris. Il est embauché au "Concert
Parisien". En 1902, il écrit et interprète son plus grand succès "Viens
Poupoule" et peu à peu, la foule va se presser au Concert Parisien,
faisant monter le prix des places et le cachet de l'artiste. Bientôt,
tous les music-halls parisiens vont s'arracher Mayol. Il va enregistrer
ses premiers disques, tourner dans quelques films. Le succès
sera si rapide, qu'en 1910 il rachète le Concert Parisien qui l'avait
embauché et en fait "le Concert Mayol". Dans SA salle, il va lancer de
nombreuses vedettes, à commencer par les vedettes marseillaises qu'il
fait consacrer à Paris : Valentin Sardou et son fils Fernand Sardou (le
père de Michel Sardou), Raimu, Turcy... et bien
d'autres comme Maurice Chevalier. Il confiera la direction
artistique du Concert Mayol en 1923 àHenri
Varna,
Marseillais et homosexuel, comme lui. Dans les années 20, Mayol va
faire la mode, tous les jeunes gens de
bonne famille ayant quelques penchants inavouables vont arborer la
célèbre toupet chevelu ou le brin de muguet à la boutonnière, comme
autant de codes de reconnaissance. Mais Mayol sera aussi moqué et
brocardé par les caricaturistes et les chansonniers de l'époque qui ne
lui arriveront pas aux genoux dans le rôle de la folle perdue. Mayol
n'oubliera jamais sa région natale. Il fera construire à ses frais le
stade du Rugby Club Toulonnais, qui porte toujours son nom. Il
connaîtra le sommet de sa gloire dans les années 20 puis décidera de se
retirer dans sa propriété de la région toulonnaise, le "Clos Mayol" au
Cap Brun. Il reviendra quelques fois sur scène dans les années 30 pour
plusieurs tournées d'adieux mais en 1938, une attaque va
provoquer une paralysie partielle et l'empêcher à jamais de remonter
sur scène, sauf dans le petit théâtre qu'il a construit dans sa
propriété où il reçoit ses amis et les artistes de passage qui
apprécient son sens de l'hospitalité et sa générosité. Il
disparaît le 1er novembre 1941 dans une Europe qui a perdu le sens de
la fête. Mayol
restera dans la mémoire collective de plusieurs générations, il sera
parfois imité jusque dans les moindres détails, mais surtout interprété
par des centaines de chanteurs à travers les époques. Sa plus célèbre
"copie conforme" sera le chanteur Georgel, d'ailleurs le seul de tout
le show-business qui l'avait adulé, à assister à son
enterrement.
"La Polka des
trottins" phonoscène de Félix Mayol en 1905.
RESSOURCES
EXTERIEURES :
:: Sources sur Mayol :
- Wikipédia :
page sur Mayol : http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9lix_Mayol
- LARIVIERE
Michel, Homosexuels et Bisexuels Célèbres, Deletraz Editions, 1988.
- Site internet Gay Graffiti : http://gaygraffiti.free.fr
- Site internet "Du temps des cerises aux feuilles mortes" :
http://www.chanson.udenap.org
::
Les plus grands succès de Mayol (sur 500 édités) :
- 1900 : A La cabane Bambou
- 1902 : Viens poupoule
- 1903 : Le printemps chante
- 1905 : Les mains de femmes
- 1905 : La Matchiche
- 1906 : Lilas blanc
- 1904 : Elle vendait des petits gâteaux
- 1909 : En rev'nant de la revue
- 1918 : Les bégonias
- 1932 : Je ressemble à Mayol.
::
Bibliographie sur Mayol :
-
1929 : CLUNY Charles, Mayol,
souvenirs recueillis, Louis Querelle éditeur
- 1930 : Une
heure de musique avec Mayol, préface de Charles Cluny,
Éditions Cosmopolites
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